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Georges Brassens – Le gorille

C'est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on.
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis

Que, rigoureusement ma mère

M'a défendu de nommer ici…

Gare au gorille !…

Tout à coup la prison bien close

Où vivait le bel animal

S'ouvre, on n'sait pourquoi. Je suppose

Qu'on avait du la fermer mal.

Le singe, en sortant de sa cage

Dit "C'est aujourd'hui que j'le perds !"

Il parlait de son pucelage,

Vous aviez deviné, j'espère !

Gare au gorille !…

L'patron de la ménagerie

Criait, éperdu : "Nom de nom !

C'est assommant car le gorille

N'a jamais connu de guenon !"

Dès que la féminine engeance

Sut que le singe était puceau,

Au lieu de profiter de la chance,

Elle fit feu des deux fuseaux !

Gare au gorille !…

Celles là même qui, naguère,

Le couvaient d'un ?il décidé,

Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère

De la suite dans les idées ;

D'autant plus vaine était leur crainte,

Que le gorille est un luron

Supérieur à l'homme dans l'étreinte,

Bien des femmes vous le diront !

Gare au gorille !…

Tout le monde se précipite

Hors d'atteinte du singe en rut,

Sauf une vielle décrépite

Et un jeune juge en bois brut;

Voyant que toutes se dérobent,

Le quadrumane accéléra

Son dandinement vers les robes

De la vieille et du magistrat !

Gare au gorille !…

"Bah ! soupirait la centenaire,

Qu'on puisse encore me désirer,

Ce serait extraordinaire,

Et, pour tout dire, inespéré !" ;

Le juge pensait, impassible,

"Qu'on me prenne pour une guenon,

C'est complètement impossible…"

La suite lui prouva que non !

Gare au gorille !…

Supposez que l'un de vous puisse être,

Comme le singe, obligé de

Violer un juge ou une ancêtre,

Lequel choisirait-il des deux ?

Qu'une alternative pareille,

Un de ces quatres jours, m'échoie,

C'est, j'en suis convaincu, la vieille

Qui sera l'objet de mon choix !

Gare au gorille !…

Mais, par malheur, si le gorille

Aux jeux de l'amour vaut son prix,

On sait qu'en revanche il ne brille

Ni par le goût, ni par l'esprit.

Lors, au lieu d'opter pour la vieille,

Comme l'aurait fait n'importe qui,

Il saisit le juge à l'oreille

Et l'entraîna dans un maquis !

Gare au gorille !…

La suite serait délectable,

Malheureusement, je ne peux

Pas la dire, et c'est regrettable,

Ça nous aurait fait rire un peu ;

Car le juge, au moment suprême,

Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,

Comme l'homme auquel, le jour même,

Il avait fait trancher le cou.

Gare au gorille !…

Explication des paroles

« Le gorille » est une chanson emblématique de Georges Brassens sortie en 1952. Les paroles racontent l’histoire d’un gorille amoureux d’une belle jeune femme qui le rejette et le condamne à la solitude. Le gorille, désespéré, finit par se venger en l’enlevant et en la dévorant.

Cette chanson a été très controversée à l’époque de sa sortie en raison de son langage cru et de son sujet osé. Elle a même été interdite d’antenne à la radio pendant un certain temps. Malgré cela, « Le gorille » est devenue l’une des chansons les plus connues de Brassens et a contribué à consolider sa réputation d’auteur-compositeur engagé et provocateur.

Les paroles de la chanson sont souvent interprétées comme une métaphore de la passion amoureuse, de la jalousie et de la violence. Brassens y mêle habilement humour noir et poésie, créant un contraste saisissant et provocateur.

Au-delà de sa dimension controversée, « Le gorille » est un exemple du style unique de Brassens, mêlant des mélodies simples à des textes profonds et subversifs. La chanson est devenue un classique de la chanson française et a marqué l’histoire de la musique par sa singularité et son audace.