Un grand soleil noir tourne sur la vallée
Cheminée muettes – portails verrouillés
Wagons immobiles – tours abandonnées
Plus de flamme orange dans le ciel mouillé
On dirait – la nuit – de vieux châteaux forts
Bouffés par les ronces – le gel et la mort
Un grand vent glacial fait grincer les dents
Monstre de métal qui va dérivant
J'voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l'acier rouge avec mes mains d'or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d'or
J'ai passé ma vie là – dans ce laminoir
Mes poumons – mon sang et mes colères noires
Horizons barrés là – les soleils très rares
Comme une tranchée rouge saignée rouge saignée sur l'espoir
On dirait – le soir – des navires de guerre
Battus par les vagues – rongés par la mer
Tombés sur le flan – giflés des marées
Vaincus par l'argent – les monstres d'acier
J'voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l'acier rouge avec mes mains d'or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d'or
J'peux plus exister là
J'peux plus habiter là
Je sers plus à rien – moi
Y a plus rien à faire
Quand je fais plus rien – moi
Je coûte moins cher – moi
Que quand je travaillais – moi
D'après les experts
J'me tuais à produire
Pour gagner des clous
C'est moi qui délire
Ou qui devient fou
J'peux plus exister là
J'peux plus habiter là
Je sers plus à rien – moi
Y a plus rien à faire
Je voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l'acier rouge avec mes mains d'or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d'or…
Explication des paroles de Les Mains D’Or de Bernard Lavilliers
« Les Mains D’Or » de Bernard Lavilliers : Un cri de détresse des ouvriers délaissés
Les paroles de la chanson « Les Mains D’Or » de Bernard Lavilliers dépeignent un tableau sombre et désolé d’une vallée autrefois prospère, maintenant abandonnée et en ruines. Le soleil noir qui tourne sur la vallée symbolise la disparition de l’activité industrielle, avec des cheminées muettes, des portails verrouillés et des wagons immobiles. Les tours abandonnées et le ciel mouillé sans flamme orange évoquent un sentiment de nostalgie pour un passé révolu.
Un vent glacial et un monstre de métal dérivant soulignent le déclin et la déshérence de l’environnement industriel. L’auteur exprime alors un désir ardent de retrouver son travail d’antan. Les mots « J’voudrais travailler encore – travailler encore » résonnent comme un cri du cœur pour forger l’acier rouge avec ses mains d’or, mettant en lumière la fierté et la passion du travailleur pour son métier.
Lavilliers décrit avec émotion sa vie passée dans un laminoir, sacrifiant sa santé physique et son bien-être émotionnel pour gagner sa subsistance. Les horizons barrés et les soleils rares symbolisent la monotonie et la rudesse de la vie ouvrière, marquée par la fatigue et la résignation. Les navires de guerre battus par les vagues représentent la lutte constante contre les forces hostiles de l’industrie et du capitalisme.
Cependant, malgré sa volonté de continuer à travailler, l’auteur est confronté à la réalité brutale de l’obsolescence et de la dévalorisation de la main-d’œuvre. Les paroles poignantes « J’peux plus exister là, j’peux plus habiter là » expriment un sentiment d’inutilité et de rejet, soulignant la précarité de la condition ouvrière dans un monde qui valorise davantage le profit que la dignité humaine.
La chanson se termine sur une note de résignation et de désillusion, avec l’auteur réalisant que son travail acharné et son dévouement ont été exploités et négligés. Malgré tout, l’appel à continuer à travailler et à forger l’acier rouge avec ses mains d’or résonne comme un chant de résistance et de dignité face à l’adversité.
En conclusion, « Les Mains D’Or » de Bernard Lavilliers est une ode mélancolique et passionnée à la lutte des travailleurs oubliés et délaissés, exprimant leur désir inextinguible de trouver un sens et une valeur à travers leur travail. Cette chanson poignante résonne encore aujourd’hui comme un témoignage intemporel de la quête de dignité et de justice dans un monde souvent indifférent et impitoyable.